En matière de garde en établissement, les juges sont appelés à se prononcer sur la dangerosité que peut présenter une personne pour elle-même ou pour autrui en raison de son état mental. La dangerosité est le seul critère sur lequel les tribunaux doivent se baser pour garder une personne à l’hôpital contre sa volonté. Comment les juges évaluent-ils la dangerosité? Qu’en est-il lorsque les évaluations psychiatriques ne sont pas suffisamment détaillées et explicites sur la question?
Les faits
Madame est soumise à une ordonnance de garde en établissement à la suite d’un jugement de la Cour du Québec. Le juge avait alors conclu qu’elle présentait un danger pour elle-même ou pour les autres en raison de son état mental et que sa garde en établissement était nécessaire. Insatisfaite du jugement, madame s’adresse à la Cour d’appel pour faire renverser cette décision.
Le litige
Le juge de première instance a-t-il commis une erreur en concluant que madame présentait un danger pour elle-même ou pour autrui en raison de son état mental et, conséquemment, que sa garde en établissement était nécessaire?
La décision
L’appel est accueilli et le jugement de première instance est renversé.
Les motifs
En plus des dispositions du Code civil du Québec qui traitent de cette question, le législateur a prévu une loi spécifique pour encadrer la mise sous garde d’une personne contre son gré. La Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui prévoit expressément ce que doivent contenir les rapports d’examens cliniques psychiatriques produits par l’hôpital pour soutenir sa demande de garde en établissement. Le médecin doit notamment spécifier qu’il a examiné lui-même la personne, la date de son examen de même que son diagnostic. De plus, le médecin doit se prononcer sur la gravité de l’état mental de la personne et de ses conséquences probables, en plus de spécifier les motifs et les faits sur lesquels il fonde son opinion et son diagnostic.
Dans le cas de madame, les juges de la Cour d’appel sont d’avis que les évaluations psychiatriques produites par l’hôpital ne précisent aucunement en quoi le fait que celle-ci soit atteinte d’une maladie mentale entraîne un danger soit pour elle-même ou pour les autres. Les psychiatres qui l’ont évaluée ont simplement déclaré qu’elle était dangereuse, sans donner plus d’explication. En fait, ils se sont contentés de cocher dans un formulaire qu’elle n’avait pas d’idées violentes, meurtrières ou suicidaires. Soulignons que lors de l’audience en première instance, les deux psychiatres n’étaient pas présents et n’ont pas témoigné devant la Cour pour étayer leurs conclusions. Madame, quant à elle, s’est adressée au tribunal et a affirmé qu’elle n’était aucunement dangereuse pour elle-même ni pour autrui.
Selon les trois juges qui ont entendu l’appel, en aucun temps le juge de première instance n’a motivé sa décision quant au fait qu’il avait des motifs suffisants de croire que madame était dangereuse pour elle-même ou pour autrui en raison de son état mental et que sa garde en établissement était nécessaire. La Cour d’appel souligne qu’«il n’est pas possible qu’un jugement de cette facture puisse satisfaire l’obligation faite au tribunal d’exprimer les motifs sérieux qu’il a lui-même de croire à la dangerosité de la personne visée». Par conséquent, les juges accueillent la demande de madame.
Références
N.B. c. Centre hospitalier affilié universitaire de Québec, Cour d’appel (C.A.) Québec 200-09-006105-073, le 11 octobre 2007, juges : Pelletier, Dutil et Giroux. (www.jugements.qc.ca)
Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui, (L.R.Q., P-38.001, art. 3)
Code civil du Québec, (L.Q. 1991, c. 64), art. 26 et suivants