Chroniques

L’abus sexuel au sens de la Loi sur la protection de la jeunesse

Texte original de Me Roseline Bouchard-Zee du bureau d’aide  juridique de Chicoutimi

Le rôle de la Directrice de la protection de la jeunesse est de protéger les enfants dont la sécurité ou le développement est compromis.

La Loi sur la protection de la jeunesse énonce, à son article 38, les motifs pour lesquels la sécurité ou le développement d’un enfant est considéré comme compromis :

« 38. Pour l’application de la présente loi, la sécurité ou le développement d’un enfant est considéré comme compromis lorsqu’il se retrouve dans une situation d’abandon, de négligence, de mauvais traitements psychologiques, d’exposition à la violence conjugale, d’abus sexuels ou d’abus physiques ou lorsqu’il présente des troubles de comportement sérieux. »

La présente chronique traitera plus spécifiquement du motif d’abus sexuels au sens de la Loi sur la protection de la jeunesse.

La Loi sur la protection de la jeunesse énonce ce qui suit relativement à ce motif : « On entend par :

[…]

d) abus sexuels:

1° lorsque l’enfant subit des gestes à caractère sexuel, avec ou sans contact physique, incluant toute forme d’exploitation sexuelle, de la part de ses parents ou d’une autre personne et que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation;

[…] »
La notion d’abus sexuels implique donc nécessairement les éléments suivants :

  •   Un ou plusieurs gestes à caractère sexuel;

  •   Avec ou sans contact physique;

  •   Posés par un parent de l’enfant ou une autre personne.

    Comme la loi ne définit pas la notion d’abus sexuel ou de geste à caractère sexuel, il faut se tourner vers les décisions rendues par les tribunaux en la matière.

    La Cour a précisé qu’il faut déterminer si le geste en cause était inapproprié en raison de l’âge ou du développement de l’enfant. Le tout doit être apprécié selon les valeurs sociales généralement admises.

    Il s’agit d’une analyse à la fois subjective, puisqu’elle doit être faite en fonction de l’enfant, et objective, puisqu’il faut également déterminer ce qu’un tiers indépendant jugerait acceptable socialement.

Par ailleurs, l’état d’esprit ou l’intention de la personne qui aurait commis les abus est sans importance aux fins de déterminer s’il y a eu abus sexuel ou non. Il n’est donc pas nécessaire de prouver une quelconque forme d’intention malveillante ou fautive.

À titre d’exemple, il a été décidé qu’il y avait abus sexuel dans la situation d’un père qui avait eu des relations sexuelles dans une pièce séparée de la chambre de sa fille de 13 ans par un rideau uniquement, et ce, même si ce dernier n’avait pas l’intention de l’exposer à ses activités. La juge a déterminé qu’il s’agissait d’insouciance, de négligence ou d’indifférence relativement aux besoins de l’adolescente.

Il y a compromission dès lors que les conséquences de l’abus chez l’enfant sont toujours d’actualité au moment où le dossier est entendu par la Cour.

Finalement, précisons que la notion d’abus sexuel en matière de protection de la jeunesse est très différente de celle en matière criminelle. Par conséquent, même si les gestes reprochés n’ont pas donné lieu à des accusations criminelles ou qu’ils ne sont pas criminels en soi, il pourra tout de même y avoir compromission au sens de la Loi sur la protection de la jeunesse.

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