Quelle est la durée maximale d’une ordonnance d’hébergement contre le gré? Qu’en est-il lorsque la personne visée par la demande d’hébergement est lourdement atteinte par divers problèmes de santé, y compris une maladie dégénérative dont les conséquences sont irréversibles?
Les faits
Un juge de la Cour supérieure a rendu une ordonnance d’hébergement à l’encontre de madame sans préciser le délai pendant lequel elle devra demeurer hébergée dans une ressource alors qu’elle s’y oppose. Croyant que le juge a commis une erreur, le Curateur public du Québec s’adresse à la Cour d’appel du Québec. Précisons que madame est atteinte de plusieurs problèmes de santé; elle souffre notamment de diabète, d’hypertension et d’obésité. À la suite d’un accident vasculaire cérébral (AVC), elle a également développé une démence qui lui occasionne des pertes de mémoire. Madame vit avec sa mère, âgée de 86 ans, elle aussi atteinte de démence.
Madame refuse catégoriquement de quitter son domicile et, conséquemment, d’intégrer un lieu d’hébergement qui serait mieux adapté à sa condition médicale. Selon ses médecins, elle est inapte à consentir ou à refuser les soins requis par son état de santé. Compte tenu de l’inaptitude de madame et de son refus catégorique, l’hôpital présente une requête pour hébergement sans toutefois préciser le délai pour lequel les soins sont nécessaires. L’appel dont le tribunal est saisi porte uniquement sur la question de la durée de l’ordonnance d’hébergement.
Le litige
Le juge de première instance a-t-il commis une erreur en ne fixant aucun délai à une ordonnance d’hébergement contre le gré?
La décision
L’appel est accueilli.
Les motifs
La preuve médicale révèle que la démence dont souffre madame est une maladie dégénérative qui est irréversible. Puisque sa condition ne peut s’améliorer et, qu’au contraire elle risque de se dégrader, le juge de première instance avait accepté de rendre une ordonnance d’hébergement sans fixer de délai.
Inversement, les juges de la Cour d’appel sont plutôt d’avis qu’il y a lieu de préciser le terme d’une telle ordonnance. D’après eux, l’esprit de la loi veut que ce soient les tribunaux qui fixent la durée des ordonnances de soins et non les acteurs du milieu de la santé. À ce titre, les tribunaux sont, en quelque sorte, les gardiens des droits des personnes inaptes soumises à de telles ordonnances puisqu’ils peuvent être appelés à revoir les dossiers si de nouvelles demandes leur sont soumises ultérieurement. Pour la Cour d’appel, « la seule façon véritable par laquelle le tribunal peut s’assurer d’accomplir sa mission, c’est de fixer un terme à son ordonnance. L’on s’assure ainsi que la personne ne sombre pas dans l’oubli ».
En dépit du fait que l’état de madame soit irréversible, la Cour d’appel fixe à trois ans la durée de l’ordonnance d’hébergement. À l’expiration de ce délai, l’hôpital aura toujours le loisir de présenter une nouvelle demande si cela s’avérait nécessaire.
Références
Le Curateur public du Québec c. Centre de santé et de services sociaux de Laval et N.D., 2008 QCCA 833, Cour d’appel (C.A.) 500-09-018216-077, le 5 mai 2008, juges : Chamberland, Morin, et Rochon. (www.jugements.qc.ca)
Code civil du Québec, (L.Q. 1991, c. 64), art. 16
Charte des droits et libertés de la personne, (L.R.Q., c. C-12)